Le témoignage de Fabrice

A 39 ans, Fabrice apprend qu’il est atteint d’une leucémie lymphoïde chronique, une maladie qui survient très rarement à un âge aussi jeune. Passé le choc du diagnostic, il décide de croire en son hématologue et entame un traitement qui sera éprouvant mais salvateur. Jusqu’à la rémission, annoncé au bout de 16 mois de protocole, Fabrice a pu s’appuyer sur le soutien de ses proches et sur sa force de caractère. Le sport a été un exutoire pour lui. Aujourd’hui âgé de 46 ans, il ressent chaque émotion avec plus d’intensité.

Fabrice, diagnostiqué de la LLC

LE DIAGNOSTIC ET L'ANNONCE DE LA MALADIE

Le diagnostic est tombé en 2014, j’avais 39 ans. J’ai été très étonné car la moyenne d’âge de la maladie est plutôt autour des 70 ans... Quand les examens ont révélé que j’étais au stade B, on m’a très rapidement indiqué les traitements possibles et les inquiétudes à avoir. Le verdict de mon hématologue était cash mais honnête : il était possible que je sois emporté par la maladie en l’espace de quelques mois et je devais donc me préparer à cette éventualité très violente. Selon ses connaissances et l’état d’avancement de la maladie, il n’y avait pas vraiment de solution.Pour moi, le choc de l’annonce a été très dur à encaisser. C’est simple, pendant trois mois je n’ai pas réussi à dormir. J’ai dû dormir 1h par nuit en moyenne. Ce fut un énorme état de stress. Il me fallait comprendre, attendre les résultats au fil des rendez-vous, me préparer au pire mais aussi imaginer la suite pour ma famille.

LA RELATION AVEC LES PROCHES

Après le choc émotionnel de l’annonce du diagnostic, le retour à la maison a été dur. Mon épouse a compris certaines choses du rendez-vous et moi d’autres. Nous n’avions pas la même écoute lors du diagnostic. Elle a été là pour m’épauler et me comprendre. Mes enfants avaient eux 14 ans, 11 ans et 7 ans. Il fallait absolument que j’inscrive mon projet famille autour de cette annonce et de cette vérité.Si je n’avais pas eu mon épouse, je ne sais pas ce que j’aurais fait personnellement… Grâce à elle, j’ai pu me centrer sur mon ressenti physique et psychologique. Elle m’a laissé du temps pour me reposer. Elle gérait tous les trajets, les enfants, les courses, le quotidien, en plus de son travail. Je sais que ça a été très dur pour elle aussi. Elle a même un peu explosé à un moment donné, du fait de tout ce que cela engendrait pour elle. J’ai aussi pu compter sur mes parents, beaux-parents et mes amis, qui ont été d’un grand soutien. C’est finalement la stabilité familiale, affective, amicale et professionnelle, qui aident beaucoup dans ces moments-là.Pour l’anecdote, j’ai vécu un moment de soutien particulièrement fort. La veille de mon hospitalisation, alors que je partais faire un footing tout seul, je me suis retrouvé entouré de plus de 200 personnes venues m’accompagner pour courir avec moi ! Ils m’avaient fait la surprise et portaient des t-shirts de soutien. C’était vraiment magique et cela m’a donné énormément de baume au cœur.

LA GESTION DE LA MALADIE AU QUOTIDIEN

Au niveau des symptômes, j’ai eu beaucoup d’infections ORL. J’étais deux à trois semaines par mois sous antibiotiques avec parfois des problèmes de surdité. J’étais également totalement épuisé. Mais j’ai souhaité continuer le travail, malgré la maladie. Et quand on est fatigué, on supporte encore moins les tracas du quotidien. Il faut donc aussi gérer cela… la question financière du prêt, les études de mes enfants, la vie d’après si je ne suis plus là… Tout cela rajoute du stress dans les premiers temps. Heureusement j’ai été aidé pour trouver des solutions et cela m’a donné de la force. Le traitement a ensuite duré 16 mois. C’était très dur mais j’ai voulu me donner la force de continuer. J’ai donc été en grande difficulté mais aussi beaucoup aidé. Et j’ai cette force de caractère de me reconstruire grâce au sport. J’ai besoin de défis, je ne peux pas rester sur mon canapé.

A titre d’exemple, je me suis mis au défi de faire un marathon. Et j’ai réussi ça ! Le lendemain je suis allé voir mon hématologue et depuis ma médaille trône dans son cabinet. Pour rappeler à tout le monde qu’on peut réussir à faire des choses. Mon exutoire a donc été le sport. Mais chacun son truc… Pour certains, c’est la lecture, d’autres c’est la sculpture, la peinture ou encore la marche. Chacun réagit différemment face à la maladie, que ce soit au moment de l’annonce ou au cours des traitements. Il faut gérer le stress que tout cela implique mais il n’y a pas une seule méthode, chacun fait comme il peut.Au moment de l’annonce de la rémission, je n’y croyais pas. Elle est arrivée au bout de 16 mois. C’était plus tôt que prévu mais c’est quand même un processus sur le long terme. Il faut s’accrocher. Et ensuite, on se fait progressivement à la rémission pour reprendre une vie « normale ».

LA RELATION AVEC LES PROFESSIONNELS DE SANTE

Avec mon hématologue, nous avons eu une relation de confiance dès le premier jour. Il a été sincère avec moi sur la gravité de la maladie et a pris en compte mon état psychologique et ma vie personnelle et familiale. Il a multiplié les rendez-vous quand cela était nécessaire pour m’accompagner et trouver des solutions. C’était donc très fort en termes de valeurs humaines. Rien que d’en parler, j’en ai la chair de poule, c’est vraiment un être magique.Un beau jour, il m’appelle et me fait savoir qu’il y aurait un traitement expérimental à tester, si j’étais partant. Il m’a tout expliqué et je lui ai fait confiance. J’ai cru en ce qu’il me proposait. De toute façon, je n’avais aucune autre alternative à ma disposition…

UN MESSAGE A FAIRE PASSER ?

Grâce à l’association SILLC* (Soutien Information Leucémie Lymphoïde Chronique), j’ai trouvé de nombreuses informations qui m’ont permis de démêler le vrai du faux. C’est une bonne synthèse pour mieux comprendre ma maladie et affronter les échéances de rendez-vous.Selon moi, la relation avec les professionnels de santé doit être basée sur la confiance et des valeurs fortes. Je loue leur sagesse et leur écoute. J’encourage donc les patients à faire part de leurs inquiétudes, leurs questionnements mais aussi d’écouter attentivement. Vous pouvez prendre des notes sur ce qu’on vous dit, sur ce qu’on vous recommande de faire. On peut ainsi relire la vérité, noir sur blanc, chez soi, posément après le rendez-vous, afin de mieux l’assimiler. Nous sommes tous des êtres différents et uniques. Nous ne sommes pas juste une prise de sang ou un diagnostic, il faut se comprendre dans son ensemble pour mieux se préparer et affronter les choses. Communiquer et dire sa vérité peut aider, je pense.Il y a énormément d’hématologues compétents en France. Ils partagent leurs données et font avancer la recherche. Il y a donc des raisons d’y croire et d’espérer.

DES PROJETS ?

La maladie a décuplé mes émotions, qu’elles soient positives ou négatives. Je vis les choses plus intensément qu’avant et je suis vraiment dans l’instant présent. A titre d’exemple, mes amis m’ont attendu pour faire la route des grands cols en vélo dans les Alpes. Ils ont attendu ma rémission pour le faire avec moi. C’était vraiment merveilleux d’arriver là-haut ! Là on veut partir sur d’autres projets comme traverser les Pyrénées. Il y a plein de belles choses à faire mais il ne faut pas s’enflammer pour autant. La priorité, c’est les enfants et la famille.

*Après deux décennies d’investissement collaboratif et de travail auprès des patients et de leurs proches, France Lymphome Espoir (FLE) et l’Association de Soutien et d’Information à la Leucémie Lymphoïde Chronique et la Maladie de Waldenström (SILLC) ont unis leurs forces pour mieux servir leurs communautés. FLE et SILLC deviennent ELLYE : Ensemble Leucemie Lymphomes Espoir.